L'horizon se croit vertical

Ma grand-mère, on l’appelait Bonne Maman. Quand j’étais petite elle m’impressionnait j’avais presque peur d’elle. Non pas qu’elle était méchante non, loin d’elle ce défaut. Je ne la connaissais pas.

Petit à petit, je l’ai connu, je savais dire ces qualités, ces défauts ce qu’elle aimait et ce qu’elle n’aimait pas. Ce que je préférais c’était l’entendre parler, raconter l’enfance de mon père, la vie avec ses 4 enfants, l’entendre se chamailler avec mon grand-père, l’entendre dire des bêtises sur les gens à la télévision comme « bouges ton derrière » aux cyclistes du tour de France, ou l’entendre me poser des questions toute aussi farfelues que les autres.

Un été, j’ai passé deux semaines avec elle, mon grand-père et ma sœur sûrement les meilleurs vacances de ma vie. Je me suis amusée comme une folle sans mes parents, je me suis amusée à faire des sorties avec mon grand-père, je l’ai écouté, je l’ai découvert, je l'ai aimé, je l'ai admiré.

Un jour de janvier, elle est entrée à l’hôpital je savais ce que cela voulait dire la dernière fois elle y avait laissée son cerveau et de nombreux kilos elle était devenue si mince méconnaissable. J’avais peur et je ne savais rien, j’ai eu le courage de demander à mon père quand elle allait rentrer celui-ci a une réponse qui m’a laissé présagée le pire.

Le 14 février 2004, mon père est parti en 5 minutes pour aller la voir à l’autre bout de la France, je savais ce que cela voulait dire mais je fermais les yeux car c’est toujours plus facile de ne pas voir la vérité. Il revena, il ne disa rien. Un soir, il disa « la semaine prochaine c’est fini », la semaine arriva et rien ne se produit. Nous étions le 24 février une semaine et deux jours étaient passés, il téléphona et me dit « c’est imminent ». Dans la famille on ne pleure pas, on ne montre pas sa peine, j’étais devant mon ordinateur à chatter avec des amis, je leur disa « c’est imminent » ils le savaient mais n’avait pas comprit l’importance du terme…

5 minutes plus tard à 21 heures 17 je leur disa « c’est fini » mon père me le disa sans larmes dans les yeux ni dans la gorge. La première chose que nous fumes c’est téléphoner au proches nous n’arrivions pas à joindre l’un de ses fils je passa par son fils dont je suis très proche

« Bonsoir, tu es avec ton père ?
Non
Tu sais ou il est ?
Non pourquoi ?
Parce que je veux lui parler
Tu veux lui dire quoi ?
Tu le sauras, tu le sauras…
Mais dis !
Non j’ai pas envie de te le dire, mais fait pas dire ce que je veux pas te dire
Allez vas-y dis
Bonne Maman est décédée
C’est une blague ?
J’aimerais bien
Beep beep »

Après cela, je n’ai que des brèves rien qui ne puisse se raconter en une ligne, que des mots. Le lendemain nous étions sur place, dans un appartement vide avec des traces d’elle, le néant total je comprenais rien j’étais dans une autre dimension. A la vue du corps aucun sentiment je n’ai rien vu, rien ne se dégageait d’elle, et lui, mon grand-père dans un état incroyable. Fermeture du cercueil, je sors de la pièce je peux pas tenir, je laisse fondre un bonbon dans ma bouche et je comprends pourquoi il y en avait une coupelle pleine. Devant l’église, je serre les dents très fort je cesse de bouger afin de croiser aucun regard. Une messe et des larmes, beaucoup de larmes, les vendeurs de mouchoirs ont fait des affaires grâce à moi. Et l’incompréhension ils sont tous debout aucune larmes sur les visages des gens. Je serre les dents, j’essuie mes larmes, je respire très fort, je cherche une hypothétique main tendu mais il ya personne juste un « ça va aller ? » de mon cousin de 11ans. Le cimetière, je suis seule et perdue à la recherche d’une main mais il y a rien. Le cercueil est dans l’allée, bénissons le encore une fois à quoi bon ? Je m’avance vers lui et je me dis « aurevoir Bonne Maman » avec conviction et l’espoir que je ne souffrirais plus de poignard dans le cœur. Le cercueil se glisse sous terre je ne tiens plus, je vois son cercueil dans lequel elle était partir sous terre je la vois partir, me quitter et je fuis dans cette allée ou j’explose en sanglot j’attends cette main sur mon épaule qui ne viendra pas. Je reviens, il faut que je jette de la terre que je l’enterre moi même ? J’ai mal, je me sens seule et perdue.

Repas de famille, emmerdes de gamins joyeux, et une main…la main de ma meilleure ennemie comme quoi les gens changent. Repas de famille explosion fin de l’harmonie dans notre famille.

Ma Bonne Maman je lui dis bonjour tous les jours en regardant sa photo, il faut juste cela pour que mes larmes coulent j’ai beau dire qu’elle n’obsède plus mes pensées elle reste mon point sensible, la blessure dans mon cœur, le poignard qui fait saigner mon cœur. Elle me manque c’était une femme amusante, sans gêne, têtue, joyeuses, qui ne montrait jamais sa peine et qui m’a apprit qu’il faut toujours trouver le positif même dans la situation. J’aurais par contre jamais appris ce qu’est le oui oui en tube ni même goûté ton clafoutis que tes enfants ont renommés « Plat foutu ». Et si un jour on se retrouve là haut je lui présenterais mes excuses de ne pas lui avoir obéis « ne me pleurez pas si vous m’aimez ».